« Tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous »
Chère Amélie, tu as peut-être déjà essayé de parler à tes parents de vos problèmes relationnels, de ton enfance, de ton vécu… Tu t’y es peut-être même préparé avec soin, as reconnu tes propres erreurs, tes imperfections. Le cœur battant, pleine d’espoir malgré tout, tu t’es ouverte.
En retour, tu as peut-être eu droit à des phrases du genre :
- Tu exagères, tu inventes, tu es folle…
C’est ce que l’on t’a répondu, Amélie ?
Cela ne m’étonnerait pas…
Tu connais sans doute cette phrase-là, que tu as entendue dans les séries, sortant de la bouche de policiers américains :
« Tout ce que vous direz pourra être et sera utilisé contre vous devant une cour de justice. »
Cette phrase-là, on ne te l’a jamais dite explicitement. En effet, les personnes toxiques évitent comme la peste de dire quoique ce soit d’explicite… Mais tu y as droit… tout le temps…
En revanche, on ne te proposera jamais, ni explicitement ni implicitement la suite de cette mise en garde des policiers américains : « Vous avez le droit à un avocat et d’avoir un avocat présent lors de l’interrogatoire.» !
Non. Comme réponse à ton ouverture au dialogue, tu as droit à un semblant de cour de justice, mais… à l’avocat ?… Même pas en rêve…
Je parie que c’est toute seule que tu t’es déjà présentée devant certaines réunions familiales déguisées en tribunal. Les témoins ? Si témoin il y a, ils ont souvent mieux à faire que de te défendre… ou alors ils ont oublié… ou minimisent … « Ce n’était pas si grave ». S’ils ne se sont pas tout simplement mis du côté des accusateurs…
Tout cela vaut aussi pour d’autres situations du même acabit. Car quand on a grandi avec un ou des parent(s) toxique(s), le pli est pris, et je parie aussi que tu as connu d’autres types de relations toxiques, avec des réactions elles aussi du même genre :
- Tu es trop sensible !
- Tu fais des histoires pour rien !
- Tu es trop compliquée !
Est-ce que tu connais ce genre de réponse ? Oui ?
J’ai envie de te donner une conseil :
Si c’est le seul genre de réponse auquel tu as droit, et qu’il n’y a quasiment jamais de vrai dialogue (tu sais, ces échanges après lesquels, tu te sens comprise, tu te sens mieux, tu te sens pleine d’énergie pour attaquer la suite de la journée ? Ça existe ça, oui, oui, ça existe ! Tu es si habituée à autre chose que tu l’as peut-être oublié… ou jamais connu… ), alors, ma chère Amélie, je n’ai qu’un seul conseil à te donner :
Pars ! Pars aussi vite que tu le peux ! En claquant la porte ou en catimini… en disant une dernière fois ce que tu as sur le cœur, ou en silence, ou encore en inventant une excuse… en courant, sans te retourner une seule fois, ou tout doucement, sur la pointe des pieds… Peu importe. Fais au mieux, ne sois pas trop dure envers toi (des ruptures « parfaites », pleines de dignité, avec des personnes toxiques, j’en connais peu !), mais fais ce qui est le mieux pour la personne la plus importante de ta vie : toi ! Pars à ton rythme, en t’y préparant aussi bien et aussi longtemps que tu en as besoin, si nécessaire… mais pars…
Tu ne veux pas partir ? C’est compliqué, et, il y a de bonnes raisons de rester, aussi ?
Amélie, dans ce cas, il ne faut pas partir, et tu as raison de suivre ton cœur, ta raison, tes valeurs, tes priorités… Mais je me permets tout de même encore un conseil : trouve la bonne distance intérieure… ne te laisse pas prendre, ne te laisse pas faire de mal… Profite de ce qu’il y a de bon à prendre, et protège-toi… Si nécessaire, sois ton propre avocat ! Mais n’oublie pas : les avocats, Amélie, ne s’attendent pas à être aimés par la partie adverse…
Emilie
18 septembre 2021 at 22 h 12 minTout à fait d’accord…le début me parle beaucoup, j’ai passé cinq années (!) à essayer que la situation s’améliore avec les membres de ma famille, résultat: épuisement, dépression et colère qui s’est retournée contre moi (comportements autodestructeurs). Pourquoi cet acharnement à vouloir que les choses changent? Les psy me renvoyaient une culpabilité, déjà bien trop présente, qui maintenant je pense n’était pas la mienne: je m’acharnais car le propre des familles et des gens toxiques est de vous faire douter de vous et de vous faire comprendre que vous êtes le problème, au point que vous finissez par y croire. Alors vous essayer de sauver la mise, vous vous remettez en question inutilement et continuez de vous battre pour essayer de faire entendre votre voie. Le plus dur dans ces moments là c’est la solitude. Incompréhension des amis, si vous quittez votre famille on pense que vous êtes dépressif et que vous n’arrivez pas à gérer vos problèmes, tel un adulte en crise d’adolescence…
La reconstruction est longue et rude, humilité vous dites Mme Gasser, mais comment se pardonner quand on a abîmé son corps pour rien? Les preuves physiques me renvoient à cette sale période, à mon incapacité à quitter cette toxicité à temps.
Je vous remercie pour vos articles très touchants et instructifs.
Ursula Sila-Gasser
21 septembre 2021 at 18 h 40 minMerci Emilie de votre commentaire si touchant! Oui, la solitude, l’incompréhension, c’est dur tout ça! L’être humain est un animal social, et il a besoin d’être reconnu, soutenu! Vous avez eu le courage d’avancer malgré tout… (et il en faut du courage!). Comment se pardonner?… N’avez-vous pas juste fait de votre mieux, avec ce que vous pouviez, ce que vous saviez?….(et si seule, en plus!). Ce courage, d’avoir mis fin à de la violence, ne mérite-il pas AUSSI (et même SURTOUT) de la fierté? Vous êtes-vous donné l’espace-temps de célébrer ce courage, de vous en féliciter, de le ressentir dans votre corps? Y a-t-il des pistes qui vous aident, dans ce que je vous écris? Je l’espère… en vous remerciant pour votre confiance, Ursula