Perfectionnisme
Chère Amélie,
Aujourd’hui, j’ai envie de te donner un conseil : sois parfaitement imparfaite !
Si tu savais à quel point le désir de perfection m’a gâché la vie. Je voulais être parfaite en tout !
Bon, ce n’est pas étonnant : enfant, quand je faisais une petite erreur de prononciation, je me faisais engueuler. Ma coiffure était sans cesse critiquée. Ma façon de parler, de danser, de marcher ou de m’habiller n’était jamais la bonne. Tout cela a évidemment suscité en moi la peur de ne pas faire « comme il faut ». Et cette peur de ne pas être « parfaite » m’a longtemps paralysée. Même pour les petits actes du quotidien. Comment repasse-t-on un T-Shirt ? Par quel coin commencer ? Et puis, comment faire avancer le fer à repasser ? En zig-zag ? Par lignes parallèles ?
Tu t’en doute, repasser un T-Shirt n’a donc longtemps rien eu d’un geste ménager banal, mais était devenu la quête d’une perfection… ce qui rendait la chose compliquée, car comment faire pour atteindre ce qui n’existe pas ?
Heureusement, ces dernières années, j’ai progressé dans l’art subtil de naviguer dans l’imperfection. Et depuis – que tu me le croies ou non – je repasse beaucoup mieux ! Mais certains jours, je n’avance pas aussi parfaitement imparfaitement que je le voudrais…. En écrivant ce blog, par exemple. Ces jours-là, je me dis, à chaque ligne : ce que tu écris est nul. D’autres écrivent mieux. Tout ce que tu écris a déjà été dit, écrit, publié cent fois. Mille fois. D’autres l’ont dit mieux que toi.
La seule chose qui m’aide ces jours-là est de renoncer à écrire LE bestseller qui va rafler tous les prix (Goncourt et Académie française y compris, évidemment) mais d’imaginer à la place que j’écris juste un E-Mail à une amie qui m’est chère. C’est une amie avec qui j’échange souvent par E-Mail sur les petits et grands tracas de la vie, et elle me répond toujours par un petit mot léger, qu’elle agrémente d’un peu d’humour, et nos échanges éclairent ma journée. C’est peu, et c’est tellement à la fois ! (Et jamais, du moins jusqu’ici, elle ne m’a engueulée pour une faute d’orthographe !)
Alors, voilà comment j’arrive malgré tout à écrire ces lettres. Et j’espère que mes mots éclairent ta journée à toi !
Maintenant, je te quitte, je vais me mettre au repassage.
Ou, peut-être pas. Après tout, mon T-Shirt, qui a séché sur un ceintre, est très bien comme il est. Je vais l’enfiler tout de go, et écrire un petit mot à mon amie.
Ursula
PS: que penses-tu de ma tache de café sur un de mes livres préférés, le Tao-Tö King de Lao-Tseu? Depuis que je l’ai transformée en fleur (très imparfaite, je te l’accorde), elle m’amuse…