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Une déclaration d’amour si haineuse

Chère Amélie,

Recroquevillée sur toi-même, tu semblais à la fois si frêle et si forte. Malgré ton âge (35 ans ? 40 ans ?) tu ressemblais à un oiseau tombé du nid.

Mais tu n’as jamais eu de vrai nid ! Cela, je l’ai vite compris, quand je t’ai entendue discuter avec ta mère. Ou, devrais-je dire plutôt, quand tu essayais de discuter avec ta mère.

  • J’aimerais te parler à cœur ouvert, maman… certaines choses ne seront peut-être pas faciles à entendre, mais c’est important pour moi, et pour notre relation. Je fais un travail sur moi, car je n’ai jamais réussi à être heureuse …. Je crois qu’un de mes problèmes, c’est que de toute ma vie, je n’ai pas osé m’exprimer. Mais là, j’ai envie de le faire.

J’étais un peu gênée d’être le témoin involontaire de tes paroles, mais la serveuse venait de me servir mon cappuccino, et il n’y avait pas d’autre table de libre que celle juste à côté de celle à laquelle vous étiez attablées toutes les deux dans ce café que j’aime fréquenter.

  • Je t’écoute ! a répondu ta mère, d’un ton qui me glaça le sang.
  • Je crois que je n’ai jamais sentie à ma place, dans notre famille. Je crois que je ne suis pas la fille dont tu rêvais…. Tu me critiquais beaucoup ! cela a eu beaucoup de conséquences, dans ma vie. Je n’ai jamais eu confiance en moi…

Ta voix était calme, quoiqu’un peu tremblotante.

Ta mère répliqua d’un ton sec :

  • Mais qu’est-ce que tu racontes, Amélie ! N’importe quoi ! Si je te critiquais, c’était pour ton bien ! Je voulais que tu prennes conscience : tu ne sais pas t’habiller, tu ne sais pas comment y faire, avec les hommes… La preuve, d’ailleurs : tu as divorcé deux fois et n’a même pas d’enfant ! Et ta vie professionnelle ! Franchement, Amélie ! Avec les études que nous t’avons permises de faire, tu aurais pu faire bien mieux ! Je ne sais pas pourquoi tu n’as pas réussi…enfin, j’ai ma petite idée… Tu as sans doute des problèmes…

Tu restas silencieuse pendant quelques secondes, puis continuas :

  • Mais oui, j’ai des problèmes… Oui, je n’ai aucune confiance en moi… au niveau professionnel, c’est la même chose… Mais vous m’avez depuis toujours méprisée, rabaissée, papa et toi ! Comment aurais-je pu développer de la confiance en moi ?

Ta mère s’écria, d’une voix aiguë : encore une fois, tu dis n’importe quoi !  Nous t’avons tellement aimée ! Tu as eu de la chance !

Je frissonnai… que d’haine dans cette déclaration d’amour… Toujours témoin muet, je t’admirais : tu tenais bon, gardais le cap, et répondis, d’une voix ferme :

  • Tu me disais et tu m’as toujours dit que tu m’aime… et je t’ai crue… si longtemps… Mais ce que j’ai vécu, c’était du harcèlement… si j’avais vécu la même chose dans une entreprise, j’aurais pu déposer plainte !
  • Ah, et tu veux donc déposer plainte contre nous ?
  • Mais, non, maman, j’aurais juste voulu pouvoir parler avec toi… échanger…
  • Mais puisque nous sommes si méchants, pourquoi veux-tu voulu me parler ?
  • J’aurais voulu que vous me compreniez… nous aurons pu repartir sur de nouvelles bases ?…

Ta mère, d’un geste à la fois agacé et hautain, fit signe à la vendeuse. Avec un grand sourire, qui aurait pu paraître charmant si je n’avais pas été témoin de ce qui venait de sa passer, elle lui demanda l’addition. Puis, s’adressant à toi, elle s’écria :

  • Je suis ta mère, et c’est tout. Je ne sais pas ce que tu veux de plus…. Puis, d’un geste théâtral, elle ouvrit son sac à main, en sortit le porte-monnaie, et demanda, d’un ton ironique :
  • Tu m’autorises quand même à t’inviter ?

Tu haussas les épaules…

Quand ta mère se leva, tu ne bougeas pas. Tu semblais épuisée. Ta mère te lança un « eh bien, si tu es plus heureuse sans nous, alors ciao ».

Tu restas assise, immobile, comme si tu devais reprendre tes forces. Ce n’est qu’au bout d’une dizaine de minutes que, lentement, tu te levas, mis ta veste, et t’en alla, les épaules baissées.

C’est en finissant ma dernière gorgée de cappuccino que j’ai décidé de t’écrire des lettres. Bien sûr, Amélie, je ne connais ni ton nom ni ton adresse. Mais qui sait, peut-être tomberas-tu un jour sur mon blog, toi, ou d’autres aussi, femmes ou hommes de tous âges, qui eux aussi qui ont connu mépris, critiques, mensonges, langue de bois, culpabilisation et manipulation dans leur enfance.

C’est à vous que j’ai décidé de m’adresser ! J’ai décidé de le faire à travers Amélie. Il est tellement plus agréable d’échanger dans un langage intime. Je ne veux pas être « celle qui sait » et qui assène des leçons et des vérités. J’ai envie d’une conversation plus intime, à laquelle je vous invite amicalement à être témoin : j’espère que je saurai vous toucher et qui sait, vous aider à vous en sortir.

 

Ursula Sila-Gasser

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