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La madeleine empoisonnée

Chère Amélie,

Il fait beau, le soleil brille sur les feuilles automnales aux douces et chaudes couleurs. Tu devrais être contente ! D’ailleurs, a plupart des gens autour de toi le sont. Mais pas toi. Et tu te demandes pourquoi… la question est lancinante, et creuse une spirale. Une spirale de plus en plus profonde au fur et à mesure que les pensées passent et repassent : pourquoi ne suis-je pas heureuse, alors qu’il fait beau et que j’aime le soleil ? Ce malaise, cette lourdeur, qui reviennent si souvent.. pourquoi ? Cela cessera-t-il un jour ?

C’est peut-être ça, le pire… ce retour continuel, qui ne laisse pas d’espoir… Alors qu’il fait beau et que le soleil brille !

Tu sais, confusément, que c’est dû à ton passé. Que la tonalité du ciel, cette légère fatigue, ce repas un peu trop lourd ont su réveiller un souvenir enfoui.. Et ce vague souvenir ressurgit, sous la forme d’un brouillard gluant, lourd, indéfinissable. Des vagues sensations.. des nausées… Puis de la couleur du ciel et des feuilles mortes surgissent, toujours aussi vaguent, le visage tendu de ton père après un repas dominical…  . Une madeleine de Proust empoisonnée..  Oh, ce n’est évidemment pas une madeleine de Proust que tu  pourrais nommer, raconter, partager, comme une anecdote certes désagréable, mais qui a un début une fin, peut-être même un ou deux rebondissements. Hélas non ! Car raconter te délivrerait ! Te permettrait d’avoir ta place, dans la tribu des humains ! Mais ta madeleine à toi n’est pas de cette sorte… car tu n’arrives pas à la raconter. Que raconter ? Ces regards lourds de reproches de ton père, tu es nulle ou quoi, pourquoi tu parles si fort ! Cette pâleur soudaine sur le visage de ta mère, qui ne dit rien… ta honte, puis.. ton silence… Cela se raconte-t-il ? Qui voudrait d’une histoire pareille, qui n’a ni de vrai début ni de fin, sans rebondissement aucun ? Une histoire faite de phrases sans cesse répétées, sur des pages et des pages ? Sans que l’héroïne se rebelle, sans même qu’elle n’ose dire un seul mot !

Mais l’héroïne ne sait quoi dire… elle pense que tout cela est normal. Que les histoires des autres aussi sont faites de ces mêmes phrases, que c’est la vie, et c’est tout !

Alors, puisque tu as appris que c’est ça, la vie, tu ne comprends pas pourquoi les autres rient, parlent fort, s’extasient de la beauté de cette journée, sans peur aucune, sans honte ! Comment font-ils, les autres ? Tu es décidemment nulle. Très nulle. Même pas capable d’apprécier une journée ensoleillée d’automne.

Comment s’en sortir ? Ma chère Amélie, premièrement, et avant tout, j’ai envie de te dire : c’est possible ! Pas d’un coup de baguette magique, mais… petit à petit..

Et pour cela il te faudra de l’humilité… de l’humilité, vas-tu peut-être t’écrier, tu me parles d’humilité, à moi, qui n’ait cessé de m’écraser devant les autres, de me cacher, de faire de la figuration ?! Et moi qui pensais qu’il me fallait au contraire enfin prendre ma place, exister, quoi !

Oh oui, Amélie… prendre ta place, c’est ce que je te souhaite de tout cœur ! Mais j’insiste, il te faudra beaucoup d’humilité pour y arriver. L’humilité qu’il faut pour apprendre… Apprendre quoi ? Apprends à être fière de toi, Amélie, de ton parcours, de tout ce que tu as réussi à faire malgré ton père qui te traitait de nulle et qui ne te permettait pas de t’exprimer ! Malgré cette fichue mémoire traumatique qui t’empoisonne l’existence! L’humilité d’apprendre à reconnaître ton génie !

Ursula Sila-Gasser

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